Stephan Meldegg
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En
écrivant ces « Lettres à un jeune poète », Rainer Maria Rilke répond, en
fait à un appel au secours.
Franz Xaver Kappus à vingt ans en 1902. Ses parents lui ont fait faire des
études à l’Académie Militaire de Vienne, et le destinent au métier des
armes, qu’il pressent « en tous points, contraire à ses goûts ». Il se rêve
artiste et s’adonne à la poésie, en secret.
Au cours d’une conversation fortuite avec l’aumônier de l’académie, il
apprend que Rilke, lui-même, avait vécu une situation semblable, une dizaine
d’années avant, également lors de ses études dans une école militaire.
Il décide aussitôt de lui soumettre ses poèmes, accompagnés d’une lettre où,
dit-il, « je m’ouvrais plus entièrement que je ne l’avais fait et que,
d’ailleurs, je ne devais jamais le faire. »
Et… Rilke lui répond. Pas quelques mots, quelques rapides conseils, comme
pour se débarrasser d’un importun. Le grand poète se révèle lui-même au
cours de cette correspondance qui durera plusieurs années. A travers ses
propres doutes, ses propres tourments, il adresse à Kappus ce que Bernard
Grasset a joliment appelé « un manuel de la vie créatrice de portée
universelle ».
Pour moi, il s’agit d’un manuel de vie, tout court. « L’art exige de ses
simples fidèles autant que de ses créateurs .», écrit Rilke. Cette façon de
placer le lecteur, l’auditeur, l’observateur, le spectateur, en somme, au
même niveau de responsabilité que l’artiste, est une conception qui m’est
chère. Oui, j’y crois contre vents et marées, malgré les anathèmes
simplistes (« la culture c’est barbant ») malgré l’abêtissement télévisuel,
malgré la dictature du « comique » à n’importe quel prix, malgré le désir
effréné de plaire !
Il se trouve que Rainer Maria Rilke, était de la monarchie austro-hongroise,
comme moi-même. Et comme moi, il aimait beaucoup la France et Paris. Grâce à
Niels Arestrup, je l’accueille avec émotion au Théâtre la Bruyère.
Il se trouve aussi que Franz Xaver Kappus était un ami de mon grand-père. Ce
qui ajoute, pour moi, une note amusante et un brin nostalgique à cette
aventure, et qui finit de me convaincre que ce spectacle avait sa place ici.
Stephan Meldegg |