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Les rencontres impensables, racontées par Stephan Wojtowicz, sont toujours génératrices d’émotion, de poésie et d’humour. Pour lui, la dérision est vitale. Il tisse des liens entre des êtres noyés par le monde. Il évoque les bouts de destin d’individus ordinaires et de personnages originaux, les uns et les autres perdus au milieu de leurs mensonges, ployant souvent sous le poids des fratries qui les encombrent. Il n’est jamais question pour lui de juger, mais d’observer sans complaisance ni manichéisme. Avec « Les Forains », Il raconte l’impuissance à communiquer entre « castes » différentes, dans le contexte d’un présent incertain, sur un ton politiquement incorrect. Dans cette fable, les codes sont inversés. Les gens de la route qui trimballent à la petite semaine, la confiserie usée, et le manège ayant connu des jours meilleurs, sont bloqués, à l’arrêt, en panne. Ils sont parqués dans un nulle part au dessus d’une voie ferrée, à deux pas d’une décharge, loin de la ville et du monde. Les gens du train « les normaux », ceux qui filent droit devant, bien accrochés au manège, remplis de bonnes intentions et d’idées toutes faites, viennent d’en descendre par inadvertance. Ils vont tenter de retrouver leurs repères, de remonter dans le train. Mais parfois la roue tourne… Pour servir ce texte, la distribution affirme un contraste entre ces deux « familles ». Le choix des acteurs, évoque pour les forains la rugosité des personnages et pour les autres, la fragile assurance de ceux qui ne doutent pas. Visuellement, c’est l’univers des forains, le camp, provisoire, mais installé, qui occupe l’espace. La caravane et la remorque, quelques éléments du quotidien, suggèrent les lieux de vie recréés et les résidus d’installation foraine. Et puis, la voie ferrée que l’on devine en contrebas, un sol morcelé, le ciel ouvert évoquent le départ toujours imminent. La lumière et le son se construisent dans une atmosphère de nuit noire, ponctuée par le passage des trains et transformant l’espace, à la fin, en souvenir de fête foraine. L’ambiance du spectacle et son tempo se déclinent sur les arythmies que propose l’écriture, le ton grinçant de la fable. Et c’est une pure comédie, dont il s’agit, même, et surtout si l’incommunicabilité absolue des protagonistes, évoque la tragique absurdité universelle de l’être humain. « Les Forains »,créé au Théâtre 13, a la chance de renaître au Théâtre La Bruyère, lieu imprégné par l’esprit de création de ceux qui s’y sont succédés. Nous sommes heureux d’inaugurer l’année 2008 dans ce théâtre, en harmonie avec la personnalité du lieu et son équipe, et à l’invitation de Marguerite Gourgue, sa nouvelle directrice qui dès le début a offert sa confiance au spectacle, en participant à sa production. Panchika Velez. |
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